Faut-il sauver le soldat Twitter ?
Décidément Twitter est une curiosité du digital marketing.
C’est indéniablement le réseau social qui a le plus d’influence, mais – et c’est le premier paradoxe – aucun nouvel abonné sur le 2e trimestre 2017. Déjà en octobre il y avait quelques signes de faiblesses Twitter : 317 millions d’utilisateurs, 103 millions de pertes et suppression de 9% des effectifs.
Twitter a été le premier « média social » à avoir 2 qualités fondamentales : l’instantanéité et chacun peut suivre qui il veut. En fait, Twitter est influent grâce à 5 familles d’utilisateurs :
- les people (stars et sportifs)
- les politiques (dont le twitto N° 1 est incontestablement Donald Trump)
- les journalistes et la presse (toujours à la recherche du scoop)
- les médias, avec ces émissions de TV qui ont toutes leur hashtag (ou #tag pour les puristes) dont voici une palette : ♦ #Quotidien ♦ #TPMP ♦ #LMELP ♦ #SLT ♦ #TheVoice ♦ #espritpublic
- les professionnels du #DigitalMarketing et autres community managers
Inutile de souligner – mais je le fais quand même – que les 4 premières de ces 5 familles se marquent réciproquement à la culotte ! J’en veux pour preuve le fait qu’il n’y a plus un journal TV, radio ou presse écrite, qui ne fait pas référence quotidiennement à une info dont Twitter est la source … à propos de l’actualité politique ou people (les médias ne sont plus que des curateurs à tweets).
La bizarrerie Twitter est que les ¾ des utilisateurs ne publient rien ou presque rien comme le démontre ce graphique (il date de novembre 2013… au regard des résultats de Twitter il semble que cette répartition n’ait pas beaucoup changée)
Il faut sauver le soldat Twitter
Il faut faire attention aux acteurs de la communication digitale, pour qui Twitter, Facebook, LinkedIn, Google+ et bien d’autres sont la raison d’être (auxquels j’appartiens un peu 🙁 ) . Car ils sont très malins pour vous pousser à la consommation avec l’argument clé : on a augmenté le nombre de vos followers Twitter… et de tous les autres réseaux sociaux !
Twitter est une somme de paradoxes.
Prenons la vitesse de propagation : l’instantanéité est une force (très importante pour les journalistes, les chiens renifleurs de scoops) mais c’est aussi une grosse faiblesse du fait de la vitesse d’obsolescence d’un tweet qui oscille entre cinq minutes et 4 heures suivant les spécialistes.
Alban Jarry, expert Twitter, l’affirme dans son article d’avril 2017 « l’information n’a de valeur qu’en quasi temps réel ». Mais le plus grave dans cette course à la visibilité, est que pour sortir du lot (i.e. être visible) il faut publier énormément. Et pour ça, de nombreux acteurs utilisent toutes sortes de chatbot et autres robots, quand ils ne paient pas des prestataires dont les petites mains vont partager, re-twitter et re-re-twitter pour vous.
Twitter, plus que tout autre réseau social, regorge de codes de langage très particuliers, dont le #tag est le plus emblématique. Le verbe « twitter » est même dans le dictionnaire le Figaro conjugueur : 1ère personne du pluriel de l’imparfait que nous twittassions.
Ce n’est pas étonnant si une majorité des personnes qui ont créé un compte sur Twitter ne l’utilisent jamais. D’ailleurs, Twitter, pour nous pousser à la consommation, nous envoie régulièrement des tweets de « notifications » qui nous rappellent qui réagit à nos tweets. Et il ne manque pas de nous proposer de lire des tweets et suivre des twittos liés à nos centres d’intérêts pour nous pousser à consommer ! Le côté obscur de la force lobotomisante des algorithmes a frappé ! Lire (voir la vidéo) La démocratie des crédules de Gérald Bronner).
Qui est le fautif : Donald Trump et ses tweets,
ou les médias qui les reprennent sans fin et qui,
s’il n’y avait plus Twitter, n’auraient plus rien à dire ?
Ceci étant dit, certaines personnalités de premier plan avec Donald Trump en pole position, font de Twitter non pas leur arme de communication mais leur unique vecteur de communication, avec tous les travers qu’on connaît de cette com à 140 caractères, pas un de plus. A ce sujet, qui est le fautif : Donald Trump et ses tweets, ou les médias qui les reprennent sans fin et qui, s’il n’y avait plus Twitter, n’auraient plus rien à dire ?
Depuis sa création, en mars 2006, Twitter n’arrive pas à dégager de profit, et ça dans l’économie numérique, c’est un gros handicap. Pire, au cours de ce deuxième trimestre 2017 Twitter n’a enregistré aucun nouvel abonné, électro cardiogramme plat : Faut-il sauver le soldat Twitter ?
Depuis environ deux ans, concernant les débats professionnels interentreprises (b2b) je constate une montée en puissance de LinkedIn et une baisse de Twitter. Pour votre information : Alban Jarry n’est pas d’accord avec moi. Cet avantage à Linkedin est un point de vue personnel qui n’est étayé par aucune analyse objective, mais néanmoins reflété dans cette discussion LinkedIn initialisée par mon confrère Antoine DAVID : Y’a un truc qui m’énerve au plus haut point.
Pour comprendre ce télescopage de paradoxes Twitter, voir les analyses de l’article Chiffres Twitter – 2017 (juillet 2017)
8 points clés qui caractérisent Twitter
140 caractères
Avec 140 caractères, l’envergure des débats est limitée. Mais ça oblige à avoir un esprit de synthèse de la synthèse, ou de phrases choc (le poids des mots), et ça c’est un gros problème de société : la complexité de la société humaine connait une croissance exponentielle et surtout une vitesse difficilement maitrisable, associées à une actualité qui ne traite que l’immédiateté… en 140 caractères. Ce défi est insurmontable, ce pourrait-il être la mort de Twitter ?
Les barons-leaders d’opinion et les serfs
Avec Twitter, j’ai franchement l’impression que l’on est dans une situation de « servage 2.0 », où la majorité des twittos sont inféodés à Twitter (et autres Facebook)… Nos clics, j’aime, je commente et je partage, sont le carburant des réseaux sociaux, ne l’oublions jamais.
Twitter n’est pas pour autant un jardin d’Eden : Ecœurées par les insultes, les stars quittent Twitter (20 août 2016)
La lobotomisation Twitter
Rendez-vous sur www.trendsmap.com pour connaître les tendances Twitter en temps réel. Je soupçonne les journalistes, la presse et les médias d’utiliser ce type d’outils pour publier des articles sur des sujets qui intéresseront leur lectorat-cible… pour atteindre le meilleur audimat possible…
Regardez l’extrait vidéo révélateur dans cet article : sketch Twitter par Scoop.it : Foresti et de Funès n’auraient pas fait mieux 🙂
Time is money
Le temps que l’on passe sur Twitter est-il bien productif ? … oui pour les 5 familles que je cite en introduction de mon présent article (people, politiques, journalistes, médias et agences du digital marketing), j’ai de gros doutes pour les autres. D’autant qu’il n’est pas évident (voire impossible) de déléguer la gestion de son compte Twitter à un tiers. Par contre, pour les grandes entreprises (au hasard la SNCF) il est inévitable de gérer sa com via Twitter pour éviter un bad buzz (lourd de conséquences) d’un week-end noir comme celui du 30 juillet à la gare Montparnasse.
Infobésité
Il est courant, si ce n’est quasi systématique, de voir une même information diffusée via une multiplicité de canaux « la puissance et l’inefficacité de la curation » et avec un nombre pharaonique de rediffusions pour être sûr d’être vu. Mais l’asphyxie a commencé : trop d’infos tue l’info !
Personnellement, je fais un choix très sélectif des personnes que je suis sur Twitter : la qualité avant tout (bye bye les twittos compulsifs). Alors je loupe des infos ? Oui certainement, mais je ne suis pas une entreprise du CAC40 : à chacun ses objectifs en phase avec ses moyens et sa cible. Et le réseau qui me procure le meilleur rapport temps passé / qualité de ma veille professionnelle est de loin Linkedin.
PI : j’ai 2 comptes Twitter, avec chacun leur ligne éditoriale : le pro @efficaciTIC et le perso @JPhDeranlot
Les contributeurs anonymes
Les premiers réseaux sociaux que sont Twitter et Facebook ont entrepris de faire un grand nettoyage dans leurs abonnés, pour éliminer le plus grand nombre de contributeurs anonymes parasites, polémistes-inutiles, voire diffuseurs de fake news (informations truquées). Et je n’oublie pas les usurpateurs d’identité qui sont légion. Toutes ces personnes qui se défoulent via les réseaux sociaux, ne respectent rient et n’ont aucun crédit. Elles ne sont pas nombreuses, mais elles ont malheureusement un pouvoir de nuisance diabolique.
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : sur Twitter comme dans la vraie vie, on a dans son réseau les personnes que l’on veut bien. Sur les réseaux sociaux on trouve – autant que dans la vraie vie – le pire et le meilleur. Le contenu YouTube est l’exemple le plus flagrant de cette diversité : qui va des cours du Collège de France à Daeshe.
Le pouvoir de Twitter
Le pouvoir de Twitter se vérifie essentiellement avec les « têtes d’affiche » :
- Valérie Trierweiler et son tweet de soutien à Olivier Falorni, l’adversaire de Ségolène Royal à la députation (12 juin 2012)
- La pluie de tweets, lors du débat de la primaire de la droite, qui ont signé le limogeage de Jean-Pierre Elkabache (17 novembre 2016)
- La victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine de novembre 2016 (sans oublier aussi celle de Barak Obama en novembre 2008 : c’est lui, justement en 2008, qui a mis Twitter-jeune-startup sous le feu des projecteurs : Significance of Twitter in campaigning (Wikipédia)
Pour les communs des mortels, nous sommes essentiellement spectateurs-cliqueurs de cette nouvelle arène médiatique, tel le peuple romain des jeux du cirque au Colisée.
Toujours plus de followers… les meilleures choses pourraient avoir une fin !
Le nombre de followers est avant tout un argument d’agence de communication, à l’identique d’un journal qui met en avant le nombre de ses abonnés ou de ses lecteurs. Du côté des entreprises la question qui tue est : Quel est le R.O.I. de ma présence Twitter ? (lire : La présence des marques sur les réseaux sociaux ou la fausse bonne idée, 15 mai 2017)
Ceci étant dit, ne négligeons pas que l’on fait désormais entre 50 et 100% de son parcours commercial via Internet pour acheter un produit ou un service. Et les réseaux sociaux contribuent indéniablement à faire qu’un produit ou un service soit vu par de futurs acheteurs et d’ambassadeurs (cf. Inbound marketing)… le nier serait suicidaire. N’oublions pas aussi le réseau social terrain qu’est le bouche-à-oreille ; et là, les 2 clés ne sont pas Facebook et Twitter, mais satisfaction-client et confiance.
A situation difficile, remède de cheval
Twitter a bien conscience que sa situation devient préoccupante (d’autant que les acheteurs potentiels ne se bousculent pas), j’en veux pour preuve ces derniers articles publiés sur le blog Twitter France… aux titres évocateurs des faiblesses de Twitter :
- Vers un Twitter plus sûr : point sur les résultats
- Un nouveau look sur Twitter pour faciliter votre usage
- Twitter lance une version Pro avec abonnement payant
- Manuel pour démarrer sur Twitter : #MonPremierTweet
Periscope : la botte de Nevers de Twitter ?
Periscope pourrait être la clé de la renaissance Twitter, sous réserve que les utilisateurs s’approprient sans difficulté ce nouvel outil de « vidéo live » que certains appellent Social Live Streaming (lire à ce sujet : Go Live, éditions Kawa, avril 2017).
Conclusion
On connait tous, dans ses cercles professionnels ou personnels, des personnes de pouvoir et d’influence qui ne sont pas (ou à minima) sur les réseaux sociaux : le tweet ne fait pas le moine-leader !
Twitter, comme tout outil, a des qualités et des défauts. Il faut simplement bien identifier s’il peut être votre allié ou pas, en fonction de votre éco-business, de vos cibles, de votre taille d’entreprise, de vos moyens et de vos enjeux.
Les salariés d’une entreprise, les membres d’une association ou les adhérents d’un syndicat sont tous de potentiels ambassadeurs-cliqueurs de leur entité. Il ne faut surtout pas les négliger. Et pour les entrainer, il faut que le capitaine du bateau soit à la barre, comme nous l’explique Béatrice Judel (Directrice Marketing et Communication Pierre & Vacances Conseil Immobilier) lors de la conférence iMEDIA : Engageons-nous dans le Crowd-marketing (Biarritz, juin 2016)
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Articles pour approfondir
- Twitter je t’aime, mais je suis fatigué d’attendre de te voir évoluer (Siècle Digital, 17 juillet 2017)
- Le pouvoir du hashtag : pourquoi analyser les # sur les réseaux sociaux (7 mars 2017)
- Twitter ou la malédiction du média social (Les Echos, 13 février 2017)
- Twitter est à vendre et personne n’en veut (l’ADN, 26 octobre 2016)
- Étude : malgré son influence, Twitter n’est pas un apporteur de trafic (blog du modérateur, 14 avril 2016)
- Trois pistes pour sauver Twitter (Le Figaro, 5 août 2015)
- Psychanalyse de l’e-influence sur Twitter (nouvelObs, 19 août 2015)
- Toi aussi, deviens un twitto (Telerama, 9 juillet 2011)
5 août 2017
ce n’est pas « la formation n’a de valeur qu’en quasi temps réel »
mais « l’information n’a de valeur qu’en quasi temps réel »;-)
5 août 2017
Corrigé, merci Frédéric
5 août 2017
Oups ! je viens de découvrir un article de blog qui a le même titre que le mien : Il faut sauver le soldat Twitter du 10 février 2017 (en fait c’est l’inverse…). C’est bien involontaire… Philippe Cahen faut-il y voir un signal faible ??
Et cet article d’Emmnanuel Schafroth (journaliste) ne manque pas d’intérêt, bien au contraire, notamment le chapitre « Twitter, miroir de nos sentiments ? »
5 août 2017
Cher Jean-Philippe, MERCI pour cet article qui sonne juste, n’oublie pas un argument extrêmement puissant en faveur de Twitter – on peut y interpeler efficacement (à condition d’être élégant et stimulant) des personnes importantes, surtout si l’on obtient préalablement qu’elles nous suivent, auquel cas le « DM » (Direct Message) est autorisé. Là, le répondant est exceptionnel pour quiconque sait l’exploiter. Aussi, même si l’érosion des abonnements joue en faveur de cette alternative à Linkedin. je n’ai que de vrais followers que j’ai appris à choyer, et leur répondant est exceptionnel.
Bravo pour ton travail régulier JP.
5 août 2017
Merci pour cette précision Frédéric. Elle manque effectivement à ma liste des 8 points clés qui caractérisent Twitter, d’autant qu’avec les « MP » on n’est pas limité à 140 caractères !
5 août 2017
Décidément le titre de mon article était facile… Ecoutez cette chronique de Jérôme Colombain, sur France Info le 1er février 2016 : Comment sauver le soldat Twitter ?
PS : (pour moi) Leçon du jour : avant de publier un article sur ton blog, vérifie si le titre n’a pas déjà été consommé 🙁
13 août 2017
Bonjour. Excellent article qui se lit avec un reel plaisir. En revanche bizarre que twitter annonce 0 nouvel abonné sur le 2e trimestre 2017 alors que j’en connais au moins 2 de plus.
14 août 2017
Bonsoir @Marylene – Merci pour votre compliment. Concernant l’annonce sur le zéro nouvel abonné Twitter sur T2 2017, je vous avoue ne pas avoir creusé si ce chiffre était la compilation des nouveaux abonnés et des désabonnements, voire s’il s’agirait de désabonnements à l’initiative des twittos ou de Twitter (et sur quels critères ?). Mais une chose est certaine : Twitter traverse une situation difficile… mon article aurait pu avoir pour titre : « Twitter, je t’aime moi non plus »