320 millions de Twittos… et moi, et moi et moi !
J'ai eu le plaisir d'être sollicité par Alban Jarry, pour être un des 112 contributeurs de son dernier livre blanc : 112 regards sur Twitter. Et j'aurais tors de ne pas partager avec vous ma contribution, pour vous inciter à lire ce livre blanc, fruit d'un travail collectif, en intégral. (article écrit en septembre 2015)
Je partis seul, mais par un prompt renfort,
Nous nous vîmes 320 millions à twitter sur la toile
Pierre Corneille s’imaginait-il que cet extrait bien connu de sa pièce du Cid put être associé au i-théâtre du 21e siècle où Twitter joue un des rôles principaux ?
Nous partîmes cinq cents, mais par un prompt renfort,
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port
Jack Dorsay partît seul (1) avec 1 tweet « Just setting up my twttr » le 21 mars 2006, et aujourd’hui, en septembre 2015, les 320 millions twittos (2) produisent chaque minute 350 000 tweets, soit 183 960 000 000 tweets par an ! (3)
Au milieu de l’armée des réseaux et médias sociaux, Twitter est un réseau social paradoxal : on n’entend ou on ne lit pas au moins une fois par jour, par la voix ou la plume des journalistes, une information associée à Twitter ; alors que le grand public n’a toujours pas adopté cette fameuse plate-forme de « micro-blogging » dont Twitter est le vaisseau amiral.
Autre paradoxe : comment des tweets de 140 caractères peuvent-ils occuper autant l’espace médiatique ? (4)
La raison est simple : le règne de l’instantanéité publique, et la capacité que Twitter donne au commun des mortels de pouvoir s’adresser aux « inaccessibles étoiles » : les politiques, le 4e pouvoir (5) et les people. D’une certaine façon, Twitter donne « voix au chapitre » à tous les citoyens de notre petite planète terre.
Mais il faut savoir que Twitter peut « embarquer » des images, des vidéos et autres liens html d’une richesse inouïe, sans oublier les podcasts pour lesquels il avait été conçu au début, du début, de sa genèse.
Autre particularité des tweets, avec les contenus vidéos et autres liens html, ils deviennent des vecteurs-virtuels qui peuvent faire autant de mal que des vecteurs-réels types Scud ou Exocet. L’actualité terrible du Moyen-Orient nous le démontre malheureusement quasi quotidiennement. Et Madame Valérie Trierweiler, le 12 juin 2012, nous a fait une brillante démonstration de son pouvoir destructeur en moins de 140 caractères (6)… avec son tweet de soutient à Olivier Falorni, adversaire de Ségolène Royal, qui a fait perdre à cette dernière le fauteuil de Présidente de l’assemblée nationale ! Ce n’est pas sans raison que l’ « iconomie » (7) s’en empare.
Même « les voix (8) impénétrables du Seigneur » ont adopté Twitter. Le Pape François à 11 comptes Twitter @Pontifex (9) et totalise près de 25 millions d’abonnés en 8 langues, alors qu’il ne suit que 8 à 10 twittos (2) (les siens) et – @bemus_papam (8) – tweete à doses homéopathiques…
@Pontifex_fr (la francophonie catholique) ne représente que 1,64% : les citoyens français seraient-ils réfractaires à Twitter ? Oui si on observe que Twitter ne fait son entrée dans le petit Larousse qu’en 2013. Non quand on constate que les scoops de l’actualité sont d’abord « vectorisés » via Twitter, voire quand ce n’est pas un Tweet qui fait l’actualité (cf. Valérie Trierweiler (6)).
Au-delà du marché français, force est de constater que Twitter fait du surplace. Sachez aussi, qu’au niveau mondial, les abonnements ralentissent et 76% des utilisateurs n’ont pas envoyé plus de 10 tweets (10) ! Ce n’est pas sans raisons que la bourse New-York (le NYSE) s’en inquiète : Morgan Stanley dégrade à « sous-pondérer » (Boursorama 21 octobre 2015).
Il faut dire que Twitter est un outil relativement simple sur le plan technique, mais pas évident à comprendre sur le plan de la « prise de parole sociale ». L’utilisation des #hashtag ne s’apprend pas à l’école de Jules Ferry. Rédiger en 140 caractères est tout un art. Certains patrons du CAC40 ont bien compris que ce ne sera pas en suivant une formation cours du soir à Polytechnique qu’ils comprendront Twitter : quelques-uns utilisent le modèle de classe-inversée (11) en demandant à de jeunes salariés de les initier, voire de les former aux réseaux sociaux, à commencer par Twitter.
Dans une récente émission de France-Culture, Gérald Bronner (12) a marqué ma mémoire sur le fait que nous aurions tort de ne pas nous approprier les réseaux sociaux (notamment Twitter) ; voici son propos :
On dit souvent qu’Internet a démocratisé l’information, oui si l’on veut, mais c’est une démocratie où certains votent mille fois et d’autres jamais. Et ceux qui ne votent jamais, je le crains, sont les plus raisonnables de nos concitoyens. Donc, je pense que ces concitoyens doivent prendre toute leur place dans l’espace des réseaux sociaux, des forums, pour pied à pied lutter contre les idées loufoques, déraisonnables voire dangereuses qui se répandent.
Twitter sera-t-il encore longtemps « cette obscure clarté qui tombe des étoiles » (13) pour la majorité des citoyens ? Je laisse à Alban Jarry, twitto-leader incontesté de l’éco-business des métiers de la banque et de l’assurance, le soin de vous expliquer sa vision présente et à venir du pouvoir de Twitter et des twittos (2).
Jean-Philippe Déranlot,
consultant spécialiste des usages du numérique et iconomiste
@efficaciTIC (pro) @jphderanlot (perso)
PS : attention à ne pas confondre tweet (gazouillis) et twit (idiot, crétin 🙂 )
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12 janvier 2016
Si maintenant tu introduis les classiques dans ta i-communication, il reste à faire un dernier effort: introduire des expressions latines. Ainsi la culture française aura gardé le latin des origines, les classiques des lumières et la i-communication du XXI siècle.
Bravo pour cette démarche qui enrichit notre culture