Rencontres Francophones de la Vidéo Mobile, Paris 2018
Mais que fait le peuple avec ces smartphones… est-ce une révolte ? Non Sire : c’est une Révolution !
Utile pour comprendre la Révolution de la Vidéo-Communication Professionnelle, voici ma rétrospective de la 2e édition des Rencontres Francophones de la Vidéo Mobile, qui se sont déroulées le 8 février 2018 à la Cité Internationale Universitaire de Paris, avec près de 500 participants issus pour la majorité des métiers du Mobile Journalism (MoJo). Et au-delà des français, au moins 10 pays étaient représentés : Belgique, Suisse, Luxembourg, Cameroun, Côte d’ivoire, Maroc, Tunisie, … sans oublier nos cousins italiens.
Cet événement est une organisation à la fois simple et efficace, mais surtout et avant tout, c’était un riche programme de conférences centrées sur le partage d’expériences. La réalisation de courts métrages, voire de films n’étaient pas absents. Cerises sur le gâteau, chaque intervention était ponctuée de réalisations vidéos (avec smartphones) toutes plus originales et étonnantes les unes que les autres.
Je n’ai vu qu’un seul intervenant des majors TV françaises : Johan Steenbergen, qui nous a présenté le kit vidéo mobile de BFM Paris… à croire que le groupe TF1 et France Télévision font un déni de la vidéo mobile avec smartphone.
#videomobile pour retrouver les réactions de cet événement sur Twitter
La vidéo mobile est totalement dépendante de la diffusion via les réseaux sociaux, ce qui fait que la vidéo devient indissociable d’une forte interactivité entre les journalistes-producteurs et leur public (les YouTubeurs en sont les meilleurs preuves). A fortiori, si on considère la vidéo-live, la vidéo mobile est la nouvelle agora des débats entre journalistes, réalisateurs et leurs publics ; à l’inverse de la télévision broadcast classique qui est unidirectionnelle. Même si une majorité d’émissions revendiquent un #hashtag pour créer un échange avec leur public ; qui sert surtout a stimuler la viralité-communautaire… n’est-ce pas une nouvelle forme de vie en autarcie ?
« La télé est-elle morte et enterrée ? » (Sonia Devillers, France Inter l’Instant M du 18 décembre 2017)
Dans le cadre de cette 2e édition des Rencontres francophones de la vidéo mobile, les usages de la vidéo mobile ont été abordés sous ces différents angles :
- Vidéo reportages
- stories (cf. Snapchat, Instagram)
- medias locaux (canaux TV qui cherchent à se renouveler)
- vidéo mobile qui change la donne en Afrique
- vidéo mobile et cinéma
- vidéo communication d’entreprise et storytelling
Rétrospective d’un an sur l’évolution des usages de la vidéo mobile avec smartphone (plénière avec Guillaume Kuster)
Les usages de la vidéo mobile avec smartphones évoluent très vite, d’autant que 73% de la population française a un smartphone contre 64% en 2016 . Les autres marchés ont suivi des évolutions similaires, certains sont à 100% comme la Finlande (population +12 ans). Point important, en France en 2017 la vidéo représente 44% des usages, contre 34 % en 2016, soit une progression de 29,4% !)
« La production de contenus change pour la masse des utilisateur »
En clair les médias traditionnels ont des soucis à se faire, car l’information est de plus en plus produite par le citoyen vers le citoyen, sans passer par les TF1, France TV et autres BFM. La meilleure preuve est que ces médias traditionnels se nourrissent abondamment de ce qui est diffusé via les réseaux sociaux, dont Twitter et Facebook sont les mâles dominants. Quant à la qualité de ce qui est produit par les citoyens : c’est un autre sujet… et là les journalistes ont un rôle majeur à jouer, sous réserve qu’ils redorent leur image.
« En 2020, la moitié des vidéos produites dans le monde seront consommées à partir des smartphones »
En 2017 il y a eu une progression très importante de la production et de la consommation sur mobile, notamment à cause de Facebook qui a intégré la vidéo dans son offre depuis 2013 (Marc Zuckerberg en avait marre d’être le vecteur de valorisation de YouTube cf. son concurrent Google).
Plus de 750 millions de personnes, au niveau mondial, produisent de la vidéo avec leur smartphone. Ce n’est pas sans raison que les qualités photo et vidéo des smartphones deviennent des critères d’achat majeurs (cf. 4K versus HD et capacité mémoire pour ne citer que 2 critères majeurs).
Évolution technologique
L’étalon de référence reste Apple qui donne le « La » avec la nouvelle génération d’iPhones 8 qui offrent la résolution 4K à 60 images /secondes.
Arrivée dans les smartphones Apple de la norme de codage vidéo H.265, ou « MPEG-4 HEVC » (High Efficiency Video Coding), qui améliore la compression cf. enjeu de stockage et diffusion. Cerise sur le gâteau, cette nouvelle norme est prise en compte par Filmic pro V6, le logiciel qui transforme votre iPhone en caméra professionnelle.
Nouvelle version de Luma fusion, logiciel de montage de référence pour les professionnels, qui permet de gérer 2 pistes son.
Démocratisation des Gimbals (poignée de stabilisation gyroscopique)
Arrivée de nouveaux micros et électronique associée, notamment chez Sennheiser et Samson avec une solution sans fil double micros Go Mic Mobile à prix très abordable. Précision, vu que depuis l’iPhone 7 il n’y a plus de prise jack, des micros sont disponibles avec la prise Lightning.
Laurent Clause nous a annoncé qu’en 2018 arriveront des micros Bluetooth, qui rendront les micros sans fil abordables, même si cette technique n’est pas aujourd’hui considérée par les marques professionnelles…
La réalisation vidéo avec smartphones est clairement un phénomène de disruption
Le spectre des réalisateurs vidéo-smartphone est très large – dixit Guillaume Kuster – il va du monde du cinéma aux communs des mortels en passant par toute une palette de professionnels à commencer par les JRI (Journaliste Reporter d’Images). JRI présents sur tous les continents, qui réalisent des films et produisent sur leur chaîne YouTube pour remédier à l’absence des TV classiques qui ne s’intéressent pas à eux… En clair : les citoyens de notre petite planète s’autosuffisent de plus en plus. Ce n’est pas sans raison que les TV classiques s’informent de plus en plus via YouTube et les réseaux sociaux, à commencer par Twitter et Facebook.
Video YouTube Made in Paris – iPhone X Cinematic Short Film
Explosion des Stories
Stories kezako ? Il s’agit de contenus éphémères (24 heures à 30 jours), essentiellement visuel (photos et vidéos), au format vertical, adaptés aux smartphones, diffusés éventuellement en live, qui racontent une histoire courte et séquencée car on les passe en les swipant (balayage, de gauche à droite sur l’écran du smartphone). A l’origine les Stories ont été conçues pas SnapChat ; mais Facebook et Instagram ont développé leurs modèles de stories pour ne pas laisser le champ libre à… SnapChat.
Lire l’article Les stories , une autre façon d’échanger (Laurent Gaudens, Centre Presse, 9 février 2018)
Quant à l’intérêt des stories c’est une autre affaire… (vous l’avez compris : je suis dubitatif). Mais comme tout évolue très vite dans le domaine de la vidéo-communication-sociale, restons vigilants : nous pourrions voir surgir des stories décalées et pertinentes. Les grandes marques (qui adressent les jeunes) ne seront pas inactives sur cette communication à forte puissance virale. Le métier de storyteller va-t-il explosé dans les mois à venir ?
Aujourd’hui, les clients achètent moins un produit ou une marque s’ils n’adhèrent pas à son histoire
Efficacité du storytelling (source : Wikipédia, cf. efficacité du storytelling) : Dans les pays anglo-saxons, le storytelling est une méthode développée dans les entreprises particulièrement pour la communication en temps de crise. En France, il est encore relativement peu utilisé, sauf dans certains secteurs comme l’automobile, le luxe et l’alimentation, où les consommateurs semblent rassurés par les entreprises qui font preuve de longévité. Aujourd’hui, les clients achètent moins un produit ou une marque s’ils n’adhèrent pas à son histoire. Selon Christian Salmon, le storytelling, théorisé par Boltanski et Chiapello, repose sur le registre émotionnel, or le recours au récit permet de mobiliser les émotions des salariés ou des consommateurs et joue donc un rôle important dans le processus d’identification à l’entreprise.
Il permet également de penser comme inéluctable le changement et favorise un management caractérisé par une injonction permanente à celui-ci. L’autorité exercée sur les salariés s’appuie donc de plus en plus sur ce récit du changement alors que le modèle traditionnel d’autorité hiérarchique décline.
… la télévision n’a pas attendu les smartphones pour lobotomiser les masses cf. émissions de télé-réalité
Notons que les stories sont fugitives, utilisées surtout par les ados et plus particulièrement consommées dans les pays asiatiques.
Les stories sur Snapchat, Instagram et Facebook sont la tendance N° 1 en 2018 sur les réseaux sociaux (source : Réseaux sociaux : Les tendances 2018, Journal du Community Manager 9 février 2018)
Cas appliqué de stories vs Snapchat utilisées par la RTBF, via l’émission #19 sur Vidéo Mobile Podcast : Comment cartonner sur Snapchat ? Le succès de la RTBF (Oct 21, 2017)
Pour vous permettre d’apprécier ce qu’on peut faire en vidéo-smartphone, voici une sélection de belles réalisations
Détour
Court métrage réalisé par Michel Gondry (publicitaire) avec un iPhone 7 court métrage de commande d’Apple pour valoriser les qualités vidéo de l’iPhone 7
Unsane
Thriller de Steven Soderbergh* filmé avec iPhone, sortie le 23 mars 2018 (site officiel https://bleeckerstreetmedia.com/unsane)
Histoire d’une jeune femme qui est involontairement engagée dans une institution psychiatrique où elle est confrontée à sa plus grande peur – mais est-ce réel ou est-ce le produit de son illusion ?
* réalisateur de Sexe, mensonges et vidéo (1989)
TANGERINE
Advantages of iPhone Movies
TANGERINE was shot on iPhones, and the advantages of shooting a full length movie on phones that were optimized with apps and steadicam is discussed with director Sean Baker and actor James Ransone. The new luxury of budget expression, and the ways that footage shot on phones could be optimized for the big screen is explored with Harper Simon in this highlight from the TALK SHOW interview.
Démocratisation des usages de la vidéo
Le plus important est l’explosion des usages de la vidéo : « on a tous une caméra dans la poche ». Et soyons les plus nombreux possible à prendre la parole en vidéo, pour le meilleur ! C’est une raison essentielle qui fait de la formation sur la réalisation de vidéo avec son smartphone, un programme majeur de formation qui concerne tous les publics. Cette formation est accessible au plus grand nombre, à commencer via le MOOC des Gobelins « Réaliser des vidéos pro avec son smartphone », qui pour sa 3e édition de novembre 2017 a été élu MOOC OF THE YEAR 2017 parmi 120 projets présentés
Points clés de la vidéo mobile
Facebook domine et archi-domine et continue à dicter ses règles. Mais Facebook est en train de modifier ses algorithmes – sous la pression – pour éviter les dangers de la lobotomisation de ses publics jeunes et moins jeunes (voir la vidéo sur la génération « C » comme communication, dans mon article vœux 2018).
Les réseaux sociaux sont le canal de diffusion majeure. Il se dit, dans les milieux bien informés, que la Drucker-télévision-du-dimanche-après-midi-pour-maisons-de-retraite aura disparu d’ici 10 ans cf. Sonia Devillers, France Inter :
- L’audiovisuel Suisse en passe de disparaitre (L’Instant M du 1er février 2018)
- Hugo Clément : la génération qui quitte la télé pour le web vs La télé est-elle morte et enterrée ? (L’Instant M du 18 décembre 2017)
Développement de nouveaux acteurs « vidéo-information » comme Monkey, d’Emmanuel Chain, le premier média 100 % social, 100 % vidéo et 100 % premium qui décrypte chaque jour en trois minutes un sujet d’actualité.
Tous les médias adoptent la vidéo
Anne de Kinkelin, directrice de la vidéo pour Le Parisien revient sur l’impact de la vidéo pour les médias qui ne faisaient pas de vidéos jusqu’alors. La popularité de ce format, porté par les réseaux sociaux, a poussé les marques et les médias à l’adopter.
Conclusion
Le déballage technique de ces 2e rencontres vidéo mobile a révélé que la majorité des participants sont plutôt iPhone qu’Android-Samsung. Il n’y a pas photo : l’iPhone est le mâle dominant des journalistes reporter d’images (JRI)
Donc, au-delà des équipements techniques (smartphones, micros, éclairages d’appoint, logiciels de captation comme Filmic pro qui transforme votre iPhone en camera pro, et logiciels de montage type LumaFusion, voire API associées), pour reprendre la conclusion de Guillaume Kuster il faut arrêter de considérer le smartphone comme une caméra professionnelle pas chère : « le tournage au smartphone ce n’est pas faire la même chose pour moins cher. L’essentiel est de savoir ce qu’on veut dire et à qui on s’adresse » et accessoirement choisir le vecteur ou plateforme de diffusion (cf. réseaux sociaux) par lequel on va atteindre sa cible : live ou pas, Facebook, Linkedin, SnapChat, Instagram vs Instastory, Twitter, etc… Il faut aller au-delà de la technique et s’intéresser à la manière dont on va toucher le public. En clair c’est le contenu qui prime ! Commencer par le message avant l’outil, ce qui compte c’est l’histoire qu’on raconte.
MoJo oblige (Mobile Journalism) : Les journalistes étaient le public dominant de ces 3e Rencontres francophones de la vidéo mobile. Et une de leur préoccupation majeure qui n’a pas été directement abordée – pour ceux qui travaillent en indépendants – est la monétisation de leurs services. Dit autrement : comment gagner sa vie avec la vidéo mobile ? voire avec la vidéo sociale mobile ! Alors je propose aux organisateurs une piste de réflexion pour l’édition 2019 des rencontres francophones de la vidéo mobile : le marché des entreprises pourrait offrir de belles perspectives pour les « JRII » (Journaliste Reporter d’Images Indépendants). Car si la vidéo-smartphone s’est démocratisée, la compétence pour faire une interview de base ou un simple reportage est loin de l’être.
Alors Messieurs @LaVideoMobile ouvrez vos chakras, en 2019 élargissez le public cible au-delà des MoJos en adressant les services marketing et communications des entreprises, des administrations, des syndicats et des associations. Car là, pour les MoJos, il y a de belles perspectives de monétisation de leurs compétences 🙂
Et bravo aux organisateurs pour cette superbe édition 2018
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9 mars 2018
super article Jean-Philippe ! merci
9 mars 2018
you know what Céline, I’m happy 🙂